Pourquoi vous devez (re)lire Hokuto no Ken

Dans cette ère troublée, il est parfois nécessaire pour un homme de retourner à ses principes fondateurs, de retrouver la mère nourricière, l'épicentre de ce qui l'a construit. Depuis maintenant quelques mois, je me remets à lire pas mal de mangas et je me refais ce qui pour moi reste le meilleur du manga pour l'éternité tout en découvrant d'autres séries. C'est pour ça que j'ai repris la lecture de Gunnm dans son intégralité pour fêter la sortie de Gunnm Chronicles et c'est au tour de Hokuto no Ken de prendre la suite. Je n'ai pas honte de dire que HnK a forgé une partie de mon caractère et m'a appris ce qu'était la virilité dans mes plus jeunes années. Si aujourd'hui les débats sur l'éradication pure et simple de la masculinité "parce que c'est mal" vont bon train dans notre société, Hokuto no Ken remet les choses en place et montre de manière flamboyante pourquoi être un homme c'est bien et positif. C'est un discours que vous allez pas entendre aujourd'hui, c'est sûr mais ça fait un bien fou. Bref, allons-y et plongeons dans cette ère de violence mais aussi de rédemption.

Hokuto no Ken, c'est une histoire d'amour mais qui a commencé seulement à l'adolescence. Bah oui, quand tu es un jeune bambin et que tes parents voient un anime qui pisse le sang et où les gens ont la tête qui explose, ça leur bonne pas trop envie de te laisser regarder. C'est pour ça que Hokuto no Ken mais aussi X-Or et Saint-Seiya, j'avais pas le droit de regarder. Et oui, j'étais un jeune enfant impressionnable et après une nuit emplie de cauchemars, ma mère m'a interdit de regarder ces horreurs. Je me suis donc rattrapé dans mes années pré-puberté via les mangas, à l'époque où il y avait 3 séries sur l'étagère du magasin. Même si Hokuto no Ken a été publié un peu plus tard chez nous, ça a toujours été un manga à part pour moi. Avec le temps, j'en viens même à préférer Hokuto no Ken et Gunnm à tout le reste, y compris DBZ et Saint-Seiya. 

Pourquoi (re)lire Hokuto no Ken en 2017 ?

Le thème post-apocalyptique : le travail de Buronson et Testuo Hara reste comme un classique de la SF post-apocalyptique. Le manga a été publié au Japon entre 1983 et 88 et la thématique de la guerre nucléaire, du millénarisme était très présent à cette époque. On pense bien sûr à Mad Max quand on voit Kenshiro. Hokuto no Ken c'est un univers qui est cohérent et pas si éloigné des préoccupations qui nous anime encore : l'environnement et la condition humaine dans un univers où les hommes on été assez fous pour causer leur perte. Comme dans toute société post-apo, la condition de l'homme est réduite à néant et la violence quotidienne autour du combat pour les ressources. L'époque est aux forts comme le dit le manga. En terme d'ambiance mais aussi de bâtiments et de véhicules, Hokuto no Ken reste encore un pilier de cette période ruinée par le nucléaire. Avec notre géopolitique actuelle, difficile de ne pas faire le parallèle de ce qui pourrait se passer. 

La violence exacerbée : difficile aujourd'hui de trouver un équivalent à Hokuto no Ken en terme de violence. Ce qu'on aime dans le manga, c'est que les auteurs ont créé plusieurs écoles qui reviennent à peu prêt toutes au même point : défoncer le corps de l'adversaire. Qu'on parle du Hokuto Shinken qui fait exploser la chair de l'intérieur, du Nanto Suichôken qui coupe les membres en rondelles ou du Gento Kôken qui évapore carrément les cellules du corps, chaque personnage de Hokuto no Ken possède un art qui met en valeur le côté gore dans les combats. Cela peut paraître gratuit mais je ne pense pas. En effet, sachant que tous les combattants peuvent tuer l'adversaire en une attaque, les combats contiennent en eux un enjeu qu'on ne voit que rarement aujourd'hui. On est même loin de Naturo ou DBZ avec leurs combats interminables car mêmes les plus gros affrontements dans Hokuto no Ken ne durent même pas la moitié d'un tome. Tu perds = tu meurs. C'est aussi pour ça qu'on aime Game of Thrones par exemple : quand un homme se prend une flèche, il n'y a pas de Deus Ex Machina qui vient le sauver. Le poids des vies est réel.   

La prévalence de l'amour : aaah on y vient au fond de l'affaire. Voilà pourquoi Hokuto no Ken est sans doute un des plus grands manga qui aient été créés : malgré la violence, malgré les caractères sans pitié, on en revient toujours à la même quête : celle de l'amour. Pourquoi l'Homme agit-il avec autant de violence ? Car il s'est éloigné de l'amour et Kenshiro a été désigné successeur du Hokuto Shinken car il est capable de porter en lui la tristesse et l'amour des autres. C'est d'ailleurs grâce à ça qu'il s'éveille au Musô Tensei. Raoh le sera aussi quand il acceptera son amour pour Julia. Le Hokuto, c'est le poing de l'amour. Si le Nanto s'est troublé, c'est à cause de cette volonté de renoncer aux sentiments nobles. Yuda qui trahit, Shin qui se laisse abuser par Jagi, Souther qui renonce à l'amour de son maître : tous sont dans le faux et finissent par perdre. Tous ceux qui ont lu le manga savent que Hokuto no Ken se pare de violence mais au fond est une ode à l'amour et aux sentiments de compassion. La figure messianique de Kenshiro est d'ailleurs assez évidente : il absout les pêcheurs en prenant leur vie et en gravant leur amour au fond de son cœur. C'est par lui que l'expiation de chacun se produit. C'est ce qui rend les affrontements encore plus beaux. Le moment où Yuda se laisse admirer le Nanto Suichôken de Rei, le moment où Souther comprend que ce qui l'a porté c'est l'amour de son maître, le moment ou Raoh comprend que le chemin de la guerre l'a fourvoyé : ce sont ces moment d'épiphanie qui donnent à Hokuto no Ken toute sa dimension. 

Un manga d'homme mais aussi de femmes : malgré le côté volontairement masculiniste (dans le bon sens) du manga, les femmes y jouent un rôle majeur. Si Ken a enduré toutes les souffrances de la terre, c'est par amour pour Julia. Celle-ci est proche d'une sainte dans le manga, dont tous les hommes sont amoureux. C'est elle qui a éveillé Raoh au Musô Tensei. Mamiya est un personnage phare aussi. Elle est la chef de son village et possède une forte personnalité. Elle donne à Rei une grandeur. Bien sûr, les femmes servent aussi de prétexte comme dans toutes les histoires chevaleresques : on pense à Aili que Rei recherche ou Sayaka à cause de laquelle Hyoh devient un démon. Il y a une dichotomie intéressante : les femmes n'ont pas accès au arts martiaux d'assassin dans le manga, elles sont donc sans aucune défense contre les hommes. Mais leur désavantage physique, elles le balancent par la vertu qu'elles insufflent aux hommes. Certes Aili, Sayaka ou Mamiya sont incapables de se battre mais elles permettent aux hommes de se dépasser. Le cas le plus évident reste Lynn qui, d'abord par Kenshiro puis par Bat dans la deuxième saga, va véritablement grandir l'âme de ceux qu'elle côtoie. 

Hokuto no Ken est donc une oeuvre qui met la violence au premier plan mais uniquement pour celui qui ne lit pas le manga. Hokuto no Ken, c'est une idée de la relation à l'amour et celle de l'homme avec la femme dont beaucoup d'hommes rêvent. C'est un peu le contraire de la société actuelle où une frange de la population tient absolument à mélanger les rôles de façon interchangeable alors que nous sommes fondamentalement différents et complémentaires. Hokuto no Ken est un manga anti-féministe au possible qui valorise le sentiment masculin et la force féminine. Et rien que pour ça, il mérite d'être lu par le plus grand nombre. 

Je n'ai pas parlé de la qualité des dessins et du story-telling mais il va tellement de soi que j'ai préféré me focaliser sur les enjeux.

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