Le tumulte du genre

Je pense que vous êtes nombreux comme moi à essayer de comprendre des concepts qui posent question dans notre société et il est à mon sens sain et inévitable de le faire afin pouvoir évoluer. Et aujourd'hui je souhaite partager non pas une expertise mais plutôt un "work in progress conceptuel" car je me pose beaucoup de questions sur des domaines connexes et peut-être avez-vous des opinions pour m'éclairer. Je vais parler du féminisme et de la théorie du genre.

Quand je ne connais pas un domaine, j'ai tendance beaucoup lire afin de m'imprégner des idées de chacun afin de déterminer la mienne. Mais malheureusement, je suis aussi du type épidermique qui va penser le contraire de ce que l'avis public va penser juste par esprit de contradiction. Je l'avoue, des fois ce n'est pas malin. La question de la sexualité et du genre est un sujet je le disais qui me pose question. Tout d'abord par sa nouveauté. Puis par la virulence qu'il engendre. Si je fouille ma mémoire, je ne me rappelle pas dans les années 90 ou le début des années 2000 avoir vu dans les média des débats enflammés sur ces questions. Hommes et femmes savaient où étaient leur place respective (pour le positif) mais les personnes moins bien déterminées étaient également bien plus rejetées. Mais depuis 10 ans, entre les associations féministes, les blogs type Projet crocodiles, les coups d'éclats des Femen et le retentissant focus sur le harcèlement de rue, on ne peut plus dire qu'on n'est pas au courant que la société traverse une crise sexuelle/identitaire majeure.

Mais prenons les choses dans l'ordre. Tout d'abord les revendications féministes. Déjà je n'aime pas ce mot car il part d'un postulat qu'un mouvement se bat pour un sexe au détriment de l'autre. J'ai d'ailleurs du mal à comprendre pourquoi "féminisme" n'est pas un mot tabou alors que "masculinisme" ou le plus récent et parodique "meninist" le sont. Je déteste cette victimisation féminine par postulat. Bien évidement, certains domaine sont plus opaques à l'entrée des femmes et certaines inégalités sont flagrantes. Mais on sait aussi que plus d'hommes sont SDF que les femmes, que les hommes prennent plus lourd en peines que les femmes et que les droits paternels sont encore bien loin de ceux des femmes. Bref, on peut sortir des arguments d'un côté comme de l'autre : les inégalités existent pour tout le monde. Et c'est ça que je ne comprends pas. Qu'on s'inscrive dans un mouvement égalitariste, je trouve ça très bien (quoi qu'utopiste mais bon). Mais qu'on annonce son appartenance à un mouvement qui a pour but de faire payer les hommes dans ce qui ressemble plus à une guerre fondamentaliste que progressiste, je ne vois pas. Car c'est ce que je vois des actions féministes actuelles : dire "moi je n'ai pas alors les hommes vous allez payer". Une féministe ne souhaite pas l'égalité. Une féministe souhaite la destitution de la masculinité. Il y a un esprit revanchard et rétrograde car c'est une attaque pas seulement sur le sexe, mais sur le genre. C'est à dire tout le contexte social/sociétal qui fait qu'on est un homme et qu'on a le droit d'aimer l'être. 

Alors qu'on ne s'étonne pas si les hommes subissent depuis le début du 20e siècle une crise d'identité du genre. Ça ce n'est pas moi qui le dit, plusieurs auteurs l'ont noté et c'est un sujet qui revient. Il y a pour moi deux aspects principaux qui jouent dans cette déconstruction. Le positif qui veut que la femme s'est battue pour acquérir les droits les plus élémentaires qui étaient jusque là réservés aux hommes. Et le négatif avec une féminisation de la masculinité ou l'inverse ; une espèce de théorie du genre en somme où l'homme et la femme se sont que deux items indifférents. Pour le premier point, pas de souci comme beaucoup d'hommes de ma génération, je me suis souvent placé du côté des femmes lorsque les injustices dont elles étaient les victimes flagrantes étaient mises en lumière. Pour le second par contre, je ne comprends pas comment on peut y accorder ne serait-ce qu'un peu de crédit. Le directeur de recherche au CNRS Pascal Huguet a écrit un très bon article qui explique bien que cette théorie n'est pas enseignée et qu'elle est plutôt le fruit d'une propagande catholique de droite. Reste que ce que moi je vois, c'est qu'il y en a des effets visibles dans notre environnement. Je vais essayer d'en donner quelques uns.

Regardez les candidats choisis dans les émissions de TV réalité. On a toujours les mêmes types : beau gosse musclé imberbe qui doit prendre 5h par matin pour se faire belle ou alors un gay obvious avec paillettes et strass jusqu'à en vomir. Moi je dis WTF quoi, c'est ça la représentation qu'on choisit de donner des hommes ? Comment tu veux qu'à force de manger des émissions où il n'y a que ça, le mec normal ne se pose pas des questions ? C'est toujours la même histoire de représentativité : même si ces genres d'hommes sont ultra-minoritaires dans l'espace social, ils sont systématiquement mis en avant dans les médias. Et on pourrait parler aussi des bimbos écervelées pour les femmes.

Le deuxième exemple qui me vient c'est le besoin de proposer des jouets non genrés. Je comprends qu'il y a certains types de jeux qui ont besoin d'être neutres car ils correspondent à cette segmentation. Par exemple un trampoline n'a pas besoin d'être rose ou bleu, on s'en fiche. Par contre ne pas vouloir donner de poupées à sa fille pour ne pas l'influencer ou bien faire la guerre aux jouets roses, moi ça me paraît pas être une cause nationale prioritaire. Par contre je suis d'accord sur le fait que les jouets garçons sont souvent de nombreuses couleurs alors que les filles c'est systématiquement rose. Mettez quelques jouets roses et le reste comme vous voulez mais je ne suis pas sûr que le fait que les jouets soient roses, empêchent les filles de choisir autre chose ou bien les petits garçons d'acheter telle poupée qu'il trouve belle parce qu'elle est rose. Mais là encore, c'est une réflexion que je vous propose, je n'ai pas d'études sur le sujet sous la main. 

Même à nos âges, on subit cette remise en question. Jamais dans ma jeunesse ou adolescence je me suis demande "est-ce que je représente bien l'homme ?". Il était évident que oui. Et puis comme tout le monde, à force d'être pollué par les discours féministes et les combats de seconde zones, je me suis mis à douter. Douter ce qui représentait finalement la masculinité. Pire : de me dire qu'il était aujourd'hui tabou de dire qu'on aimait être un homme, le masculin et qu'on milite pour être reconnu comme tel. Si je me suis mis à la musculation, ce n'est peut-être pas juste pour la santé. En toute conscience si mais inconsciemment qui sait ? Pareil pour le fait de me laisser pousser la barbe : cela m'assure-t-il, me rassure-t-il sur mon statut d'homme ? Je pense sans me cacher que oui en effet. Ça me rassure de passer mes soirées à soulever des trucs lourds, d'avoir l'air d'un homme des cavernes. J'aime ça car ça me conforte dans ce que je sais ce que je suis mais dont j'ai l'impression qu'on m'a volé : ma masculinité.

Alors oui, je suis masculiniste. Pas dans le sens où j'espère assoir le pouvoir des hommes au détriment de celui des femmes. Mais dans le sens où je ne suis pas prêt à sacrifier ce qui fait qu'un homme est un homme et une femme une femme (et vous voyez à une féministe on aurait pas demandé de préciser). Certaines institutions peuvent essayer de gommer les différences et de créer la confusion sur les genres, il y aura toujours des inégalités entre les hommes et les femmes car devinez quoi : nous sommes fondamentalement différents. Nous n'analysons pas les choses de la même manière, nous avons des ressentis différents et nous avons un corps et des hormones différents. Et heureusement, for fuck's sake ! Ce qu'un homme recherche chez une femme, c'est justement ce qu'il n'a pas et inversement. 

On en vient au harcèlement de rue. Sur cette question qui fait aujourd'hui énormément de bruit, je suis très mitigé. Mitigé car d'un côté je ne comprends certes pas les avances que les femmes subissent toute la journée. Je suis prêt à comprendre que lorsqu'on en a pas envie, même un regard peut sembler déplacé. De l'autre côté du spectre, j'en viens à penser qu'il m'est maintenant impossible d'aborder une filles dans la rue sans penser qu'elle va croire que je la harcèle. Tous ces débats ont un impact important sur les hommes et il n'est pas que positif, il ne faut pas l'oublier. Bien sûr, certains prendront conscience de leurs comportements et certaines caméras cachées sur le sujet ont montré des actes que je pourrai jamais justifier. Mais pour les mecs bien élevés, c'est devenu une vraie problématique d'aborder une fille. Perso je ne le fais jamais pour ne pas avoir ce souci. Et j'en ai parlé avec d'autres amis hommes qui eux aussi ont un blocage depuis toutes ces histoires. Le scénario normal serait qu'on aborde une fille : A) elle engage la conversation c'est OK B) elle dit n'être pas intéressée on s'en va. C'est simple. Mais le climat de terreur dont pas mal de blogs féministes sont responsables (dont le projet crocodiles) fait qu'on en est rendu là, à se demander si même engager une conversation avec une inconnue ne va pas lui faire prendre peur. Les filles, faut se relaxer aussi un peu, vous risquez pas la mort d'un mot d'un inconnu. Stressez pas.

Un dernier mot sur la communauté gay. Je crois que depuis le mariage pour tous, la relation hétérosexuelle est malmenée dans l'image publique mais qu'on le veuille ou non, c'est le pilier de la civilisation. C'est une étape historique qu'on vient de vivre dans la marche vers des droits égaux pour tous et du coup les couples plus classiques ont été un peu vus comme vieillots dans le traitement de l'évènement et ont été complètement éclipsés du débat public. Ce qui est important, c'est le droit à l'indifférence. Il est important que les couples hétérosexuels et homosexuels puissent vivre leur amour dans l'oubli des autres. Chaque histoire est avant tout un regard privé entre deux personnes et après ces temps de manifestation et de trouble, je crois vraiment qu'on a besoin de laisser ces questions reposer un peu et laisser l'item social "couple" tranquille pour un moment. 

Voilà, un TL;DR qui me trottait dans la tête depuis plusieurs jours. Comme je le disais, ce n'est pas une rédaction sur mon avis définitif ; je définis avec vous une construction, un cheminement intellectuel. En conséquence n'hésitez pas à réagir si vous souhaitez discuter ou infirmer certains points.

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